Marsel, paotr plén: hommage à Marcel Le Guilloux

L’occasion de mon premier contact avec Marcel Guilloux a été le stage Mod All de la Chapelle-Neuve (22) en 1990, que Marcel encadrait en complicité totale avec Erik Marchand. A l’issue du stage, Marcel avait invité tous les stagiaires à venir le voir s’ils voulaient avoir des airs ou des paroles ; quelque temps après, comme je m’étais mis en tête de participer au concours Plin du Danouët en mélodies et que je ne connaissais pas le répertoire du pays Fañch, je lui avais téléphoné et suivant ses indications, j’avais atteint Crec’h Morvan. Là, surprise : une cassette était sur la table à mon intention, préparée par Marcel à partir d’airs qu’il avait sélectionnés dans « Kazetenn ar Vro Plin » ou qu’il avait enregistrés lui-même. Mais le travail n’était pas fini pour autant : « Nous allons écouter les airs tous les deux, comme çà tu me diras s’il y a des passages que tu ne comprends pas ». Il s’en est suivi une après-midi émaillée d’anecdotes sur les interprètes, sur les circonstances d’enregistrement, avec interventions ponctuelles de Maria, sœur de Marcel, et d’André, son beau-frère, et au final une copieuse collation. Je me souviens encore de la sensation de joie pendant le trajet de retour, le même genre de sentiment que lors du retour de mon premier fest-noz en tant que chanteur. Et après avoir gagné ce concours de mélodies, Marcel m’a dit : « Ah, tu as bien choisi l’air, je crois que j’aurais pris le même ! » Depuis, je suis revenu bien des fois à Crec’h Morvan, toujours avec le même plaisir de rentrer dans une maison amie.

Plutôt que de parler encore une fois du chanteur, du conteur ou du passeur de mémoire, je vais jeter en vrac quelques images visuelles ou sonores qui me viennent à l’esprit. Commençons par ce qui horrifiera tout spécialiste des cordes vocales : de violents raclements de gorge destinés à «décrasser la voix» (sic), avant d’attaquer le premier air du stage Plin face à une quinzaine de personnes assises devant l’autel de la chapelle du Danouët. Ensuite, les trajets pour aller et revenir de fest-noz, qui paraissent toujours courts avec un passager doté d’un tel humour, parfois mis à profit pour retrouver les paroles complètes de « Marivonig » ou d’« An Aotrou Tridé ». Chanter en couple avec Marcel est un exercice assez intense où l’on se livre à fond, arrimé à un compère qui n’hésite pas à tirer vigoureusement sur le pan de votre chemise s’il survient quelque problème de paroles ou de hauteur. Enfin, les capacités visuelles de Marcel restent pour moi une énigme, car s’il est vrai qu’il faut lui indiquer la présence d’une marche, il sait très bien vous signaler celle d’une copine à vous qu’il n’aura pourtant vue qu’une fois quelques années auparavant…

Et enfin, une réflexion qui, pour moi, résume l’homme : oui, Marcel, c’est une encyclopédie de la culture traditionnelle du Centre-Bretagne ; oui, il a conscience de la valeur de cette culture, et c’est ce qui l’a poussé, depuis longtemps, à transmettre ce patrimoine fragile de toutes les manières possibles; mais lorsqu’on lui demande de parler de ce Centre-Bretagne, sa réponse est immédiate : « Ce qu’il y a de bien ici, ce sont les gens ! »